Interview parue le 19 juin 2016 sur le site d’information Politic Région
https://www.politicregion.fr/article/francis-daspe-les-francais-voient-que-melenchon-la-stature-dun-homme-detat
Dans les Pyrénées-Orientales, il porte la voix de la « France insoumise », le mouvement lancé par Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle. Professeur d’histoire-géographie à Perpignan, Francis Daspe est co-secrétaire départemental du Parti de Gauche des Pyrénées-Orientales et président de la Commission nationale ‘’Education’’ du parti.
Politic Région : Vous êtes engagé au sein de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Avec son mouvement citoyen, « La France insoumise », ce candidat à la présidentielle est crédité de bons sondages pour le premier tour : jusqu’à 15 %, parfois devant Hollande. Pourquoi cette présidentielle-ci pourrait être la bonne ?
Francis Daspe : Le pays se trouve dans une situation d’urgence sociale. Le chômage est élevé, mais François Hollande s’obstine à pratiquer la méthode Coué avec son « ça va mieux ». A la crise économique, s’ajoutent les crises écologique et démocratique; et la loi travail cristallise tout ce mécontentement. Tout cela joue en faveur de la proposition de changement portée par « La France insoumise ». Beaucoup d’électeurs se souviennent du discours de François Hollande au Bourget, où il avait déclaré que le monde de la finance serait son « véritable adversaire ». Aujourd’hui, ils sont déçus.
PR : De quand date votre rencontre avec Jean-Luc Mélenchon ? Et vient-il souvent dans les Pyrénées-Orientales ?
FD : C’était au Bassin d’Arcachon, en 2005, lors d’un meeting du « non » au Traité constitutionnel européen [le peuple français avait exprimé son opposition au Traité, par référendum, le 29 mai 2005. En 2007, le Traité de Lisbonne est signé et reprend une partie du texte rejeté deux ans plus tôt, ndlr]. Mélenchon vient souvent dans le département pour des raisons personnelles. Quant à sa dernière visite politique ce fut en 2013 : il avait alors participé à la fête du Travailleur catalan.
PR : Qu’est-ce qui a changé, depuis 2012, dans la vision qu’ont les Français de ce candidat ?
FD : Les Français voient aujourd’hui que Jean-Luc Mélenchon a la stature d’un homme d’Etat. Ils savent que, lui, ne fera pas de zigzag. Ce qui revient le plus, sur le terrain, c’est qu’il apparaît comme un homme politique cohérent et constant, fidèle à ses idées. On sent que beaucoup de jeunes s’identifient à notre projet et que de nombreux abstentionnistes sont décidés à se rendre aux urnes en 2017.
De nombreux abstentionnistes sont décidés à se rendre aux urnes
PR : On peut lire sur le site du Travailleur catalan (hebdomadaire communiste) un article daté du 8 avril 2016 qui annonce « l’adhésion de Jean-Luc Mélenchon au PCF » en tant que « cotisant dans la fédération des Pyrénées-Orientales à partir du 1er avril ». Alors, boutade ou appel du pied de la part des Communistes ?
FD : C’était un poisson d’avril, auquel j’ai répondu par un autre billet : « Poisson d’avril or not poisson d’avril ? ». Je termine en disant : « Le 1er avril 2019, Jean-Luc Mélenchon ayant tenu sa promesse de mettre fin en deux ans à la monarchie présidentielle qu’est la 5° République, la proclamation de la 6° République équivaut à sa démission du poste de Président de feu la 5° République, et donc à la fin des fonctions de Philippe Galano comme Premier Ministre. »
PR : Rappelons que JLM est particulièrement apprécié des communistes des P.-O.. En 2011, dans la course à la présidentielle, sa candidature est plébiscitée par 86,07 % des militants communistes (le plus important soutien à échelle nationale). Un signe qu’il n’aura pas de mal à obtenir le soutien des élus communistes du département ?
FD : Les communistes sont encore dans une phase de réflexion, on ne veut pas les brusquer. Il y a deux mois, on a lancé un appel au soutien de la candidature. Cela a été accueilli favorablement par des élus de diverses couleurs politiques.
PR : Dans les P.-O., le premier adversaire à battre ne serait-il pas le FN ?
FD : C’est sûr, le FN fait des gros scores ici. Pour nous, combattre ce parti est primordial. Cependant, nous nous inscrivons davantage dans une campagne positive que négative. La « France insoumise » veut dégager une image d’espoir politique : on peut rompre avec le clientélisme local, le jeu des alliances et du zigzag électoraliste. Nous disposons aujourd’hui de 25 groupes d’appui dans le département. A chaque fois, ce sont entre 10 et 15 personnes qui nous ont rejoint pour participer activement à la campagne.
PR : Le département, qui compte plus de 50 kilomètres de côtes, peut-il être concerné par le développement de l’« économie de la mer », l’un des projets de la campagne de JLM ?
FD : Oui, même si ce sont des projets à long terme, parfois difficilement palpables dans l’immédiat. La Côte Vermeille, par exemple, pourrait sans doute apporter en ressources alimentaires et dans le domaine des énergies renouvelables.
PR : Vous qui êtes originaire de Marmande (Lot-et-Garonne, hors LRMP). Que pensez-vous du débat autour du nom de la nouvelle région ?
FD : J’avais proposé le nom de « Terres et mer du Midi », qui n’a pas été retenu. Au PG, nous sommes favorables aux références culturelles, pas aux revendications identitaires, trop étriquées.
J’avais proposé le nom de « Terres et mer du Midi »
PR : Les lycéens planchent depuis mercredi sur leurs épreuves du BAC. Que pense le professeur d’histoire-géographie de la répartition entre les heures de cours et le temps périscolaire ? [Francis Daspe enseigne au lycée Maillol]
FD : Ce que l’on défend plus que tout, c’est que le temps scolaire ne diminue pas au profit du temps périscolaire. Les activités périscolaires ont besoin d’un grand service public qui encadre mieux les activités et offre de meilleures conditions aux travailleurs de ce secteur.
PR : Derrière ce sujet, quel est l’enjeu social, à vos yeux ?
FD : Actuellement, deux tiers des communes font payer les activités périscolaires aux familles, ce qui constitue une entorse à la gratuité. Les réformes oublient l’enjeu idéologique (au sens noble) qui se cache derrière ces activités [lire ici la tribune qu’il a publié en mai 2014 dans Marianne sur le sujet, ndlr]. De nombreuses communes, particulièrement en milieu rural, ont du mal à proposer certaines activités, faute de personnel. On est donc face à une situation de rupture de l’égalité territoriale.