Tribune parue le 30 mai 2014 sur le site de Mediapart.
Francis DASPE, président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche. Il est également secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée.
La volonté de la municipalité de Perpignan de regrouper les activités périscolaires le vendredi après-midi confirme, si besoin était, que la réforme des rythmes scolaires constitue une véritable impasse. Chaque jour des exemples nouveaux venant de communes devant faire face à des problèmes plus ou moins insolubles en attestent.
Cette proposition est particulièrement mauvaise : elle entérine tous les aspects négatifs des précédentes réformes. D’une part, celle de droite avec le décret du 15 mai 2008 relatif à l’organisation et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires de Xavier Darcos. D’autre part, celle des ministres socialistes Vincent Peillon (décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires) et Benoît Hamon (décret complémentaireportant autorisation d’expérimentations relatives à l’organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires du 7 mai 2014). Une telle disposition signifie en effet qu’il n’y aura pas d’allègement horaire des autres journées scolaires. Autrement dit, les journées surchargées suite au passage à la semaine de quatre jours de Xavier Darcos seront maintenues. En outre, confrontés à des journées inchangées, les écoliers perdront en sus le repos du mercredi. Par conséquent, l’argument du prétendu bien-être de l’enfant rituellement avancé ne tient absolument pas.
Le décret du nouveau ministre de l’Education nationale Benoît Hamon visait à autoriser un certain nombre d’assouplissements. L’objectif était de calmer la fronde grandissante des élus locaux. Nombre de ces derniers se retrouvaient désemparés devant la complexité de la mise en œuvre de la réforme et son coût financier dans un contexte d’austérité. Il ne résout en définitive rien. Au contraire, il permet plus facilement la mise en place d’une école à la carte, commune par commune. Il s’agit là d’une rupture significative de l’égalité territoriale et du cadre national de l’Ecole de la République. Le processus de territorialisation, qui était un des véritables objectifs de la réforme Peillon dans un contexte de déclinaison de l’acte III de la décentralisation, peut donc s’accélérer. Les projets éducatifs de territoire (pedt), qui s’en font le prolongement, se situent à rebours de l’évolution séculaire ayant présidé à la construction de l’Ecole de la République.
Véritable usine à gaz, cette gestion de la question des rythmes scolaires additionne le pire des précédentes réformes Darcos, Peillon et Hamon. Les vraies motivations ne sont pas le bien-être de l’enfant et la réussite de l’élève, simples alibis commodes pour esquiver tout débat de fond. Elles renvoient à des enjeux idéologiques masqués et à des recherches compulsives d’économies. Ces enjeux idéologiques, nous n’avons cessé de les mettre en exergue dès de début des débats. En plus de la préservation du cadre national, les questions de gratuité, de marchandisation, de statut des personnels, de laïcité et du devenir des écoles rurales se trouvaient en réalité au cœur de questionnements trop souvent occultés.
L’Ecole de la République doit rester nationale. Les projets éducatifs de territoire viennent en appoint de ce démantèlement programmé. Ce qu’exige la question des rythmes scolaires, c’est d’une véritable réflexion sur l’articulation entre les temps scolaires et les temps sociaux et familiaux. Une telle démarche serait radicale : elle tendrait à élaborer en creux un projet de société alternatif. Un projet qui s’efforce de procéder à la relocalisation de l’activité. Les distances entre lieu de d’habitat et lieu de travail, les fameuses migrations pendulaires dont les coûts en termes économiques, sociaux et de santé publique n’ont jamais été évalués avec sérieux, en seraient réduites. Un projet qui inciterait à de nouvelles manières, non seulement de produire, mais aussi de consommer. Un projet qui mettrait hors-la-loi la précarité pour l’éradiquer. Voilà en quoi consisterait prendre à bras-le-corps la question des rythmes scolaires.
Ce projet passe bien évidemment par l’abrogation des décrets Peillon-Hamon. Une réécriture nécessite en parallèle la pleine suppression du décret Darcos, pas la réintroduction par la fenêtre, sous couvert d’assouplissements, de ses dispositions les plus négatives. Sans quoi, nous serons condamnés à subir le cumul du pire des dernières réformes.