Tribune parue le 2 septembre sur le site de Marianne.
Francis DASPE est Président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche. Il est aussi co-auteur du livre « L’Ecole du peuple. Pour l’égalité et l’émancipation », éditions Bruno Leprince, août 2012.
La rentrée scolaire ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices : en effet les sentiments de déception, de morosité et d’inquiétude l’emportent très largement. La communauté éducative se trouve totalement désorientée et désabusée. Depuis 2012 et le changement tant espéré avec le quinquennat d’airain de Nicolas Sarkozy, renoncements politiques et contresens idéologiques en matière d’éducation n’ont cessé de se succéder. La majorité des contre-réformes de l’ère précédente (réforme du lycée, bac pro en trois ans, loi Carle) n’a pas été abandonnée en dépit des promesses de campagne. Il n’y a pas eu non plus de ruptures majeures avec les fondements idéologiques des gouvernements de droite (socle commun de compétences, principes d’égalité des chances et d’autonomie, acceptation de l’esprit d’entreprise dans l’école).
Les nouvelles dispositions sur les rythmes scolaires constituent un puissant facteur de déstabilisation en cette rentrée. L’ancien ministre Vincent Peillon n’a eu de cesse d’en masquer les enjeux idéologiques. Car au-delà de la question du temps d’activités périscolaires, il y a plus grave : c’est la territorialisation de l’école qui se joue avec pour corollaire la rupture de l’égalité territoriale. L’éducation est en effet nécessairement impactée par le contexte politique global. N’en déplaise à ceux qui veulent gérer l’école en « prétendus bons père de familles », l’école est une question éminemment politique. Les liaisons doivent être faites avec la réforme territoriale, l’accentuation de la ligne sociale-libérale et d’austérité du gouvernement Valls II, les risettes faites au Medef et au patronat, le tropisme jamais démenti de l’autonomie. Autant de sujets qui impactent négativement l’avenir de l’institution scolaire.
La conjugaison de ces renoncements et de ces contresens conduisent par conséquent très logiquement à une accumulation des mécontentements. Les personnels n’y trouvent pas leur compte, mais les élèves, les parents, les élus, les collectivités locales et les associations possèdent également matière à récriminations. La dégradation au quotidien est générale pour tous. En cette rentrée 2014, des principes fondamentaux de l’école de la République sont puissamment remis en cause : l’égalité territoriale, la gratuité, la laïcité.
Dans ces conditions, la tâche de la nouvelle ministre Najat Vallaud-Belkacem s’avèrera insurmontable, tant la priorité du quinquennat de François Hollande n’est clairement pas l’éducation. Chacun s’aperçoit désormais à quel point la prétendue priorité donnée à l’éducation n’était finalement qu’une mauvaise blague de campagne. Une mauvaise blague du même tonneau que le trop fameux slogan « la finance, c’est mon ennemi » ! Il ne reste désormais que la fuite en avant dans l’autoritarisme. Manuel Valls a d’ailleurs déjà déteint sur sa nouvelle ministre : la conférence de rentrée de Najat Vallaud-Belkacem ne laisse augurer rien de bon à cet égard.
L’urgence est toute autre. Elle consiste à la mise en place d’une l’Ecole du peuple fondée sur les valeurs d’égalité, d’émancipation, de gratuité et de laïcité. L’Ecole n’étant pas déconnectée de la société, cette Ecole du peuple doit nécessairement s’inscrire dans le cadre de l’émergence de la VI° République. Une modification radicale du cadre institutionnel en constitue un des préalables, seul à même de créer les conditions d’un sursaut républicain mobilisateur et salvateur. A quoi reconnaîtra-t-on l’Ecole du peuple de la VI° République ? C’est quand on sera parvenu à former « des citoyens qui ne s’en laissent pas conter mais qui entendent qu’on leur rende des comptes », pour reprendre l’heureuse formule de Condorcet. Pour cela le triptyque « Instruire, Qualifier, Emanciper » qui vise à former d’un même élan l’homme, le travailleur et le citoyen, doit y contribuer pleinement.