Tribune diffusée dans L’Humanité le 27 novembre 2017.
Francis DASPE, président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche, est co-auteur du livre intitulé « Manifeste pour l’Ecole de la 6° République », éditions du Croquant, août 2016.
Le baccalauréat constitue la clé de voûte du service public d’éducation. Il en garantit l’unité et la cohérence. Il n’est pas surprenant qu’il ait été attaqué par ceux qui ont pour objet le démantèlement méthodique du système éducatif public. On s’est d’abord évertué à le détruire en y instaurant des doses de contrôle continu. Cela s’est traduit en règle générale par un échec, tant l’attachement à l’examen du baccalauréat reste fort.
Un autre stratagème est en passe d’être utilisé pour parvenir au succès de l’entreprise. Il risque de se révéler plus efficace. On tente de casser le diplôme du baccalauréat par l’autre versant, celui de l’enseignement supérieur. Les actuels projets de réforme d’entrée dans le système universitaire, récemment dévoilés, y concourent à leur mesure.
Le procédé est extrêmement simple. Il s’agit de déconnecter l’accès aux études supérieures de la réussite au bac. Sous couvert de contorsions dilatoires autour des capacités d’accueil, des remises à niveau obligatoires par des cours en ligne ou des parcours aménagés, c’est un système qui, s’il n’avoue pas son nom, relève bien de la logique de sélection. Une fois que le diplôme du baccalauréat ne sera plus le sésame pour entrer à l’Université, il sera aisé de casser son caractère d’examen national et anonyme, en un mot républicain.
Les digues seront alors ouvertes pour procéder à la territorialisation de l’école. Des bacs maison verront le jour, conduisant à la balkanisation du système éducatif, renforçant l’adéquationnisme. L’offre de formation sera directement dépendante du bassin d’emploi, sanctionnant le renforcement de l’immixtion des intérêts patronaux. L’adéquationnisme signifie une assignation sociale et territoriale, loin des impératifs d’émancipation et d’égalité.
Ce qui se joue est la place du diplôme et de la qualification dans l’insertion dans le monde du travail. La démonétisation du bac et des diplômes vise à ce que le jeune qualifié ne soit pas considéré comme un travailleur à part entière. Ceci afin que la rémunération soit en conséquence amputée. C’est la manière du patronat de réduire en partie le prétendu « coût du travail ». C’est aussi la façon d’imposer une mode de gestion managériale qui génère mécaniquement son cortège d’insécurité sociale et de précarité.
Le baccalauréat n’est pas seulement une épreuve pédagogique. C’est aussi un des soubassements, si modeste soit-il, de l’ordre social républicain. Celui là même que la majorité autour du Président Macron s’évertue ardemment à renverser. Aucun levier n’est dans cette optique négligé. La résistance doit se mener partout. La défense du baccalauréat, par l’autre versant trop souvent oublié, s’inscrit pleinement dans cette perspective.