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Mai 16

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Valls et le 49-3 : une dérive autoritaire. Cet acte sonne le glas de la Ve République

Diffusion sur le site du Plus du Nouvel Obs d’une tribune de Francis DASPE signée en tant que secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée ce lundi 16 mai.

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LE PLUS. La date est loin d’être anodine. Afin que le projet de loi Travail puisse être adopté sans vote, Manuel Valls a décidé de dégainer le 49-3 un 10 mai, 35 ans jour pour jour après l’élection d’un premier président de gauche dans la Ve République. Une faute, pour Francis Daspe, secrétaire général de l’Association pour la gauche républicaine et sociale – Prométhée (AGAUREPS-Prométhée).

Le gouvernement Valls a décidé le 10 mai d’utiliser l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer en hâte le projet de loi Travail de la ministre El Khomri.

La date n’est pas anodine. Trente cinq ans jour pour jour après l’élection d’un premier président de gauche dans la Ve République, cette véritable forfaiture démocratique prend une résonnance particulière.

 

10 mai 1848, 10 mai 1981, 10 mai 2016…

 

Le 10 mai 1981, l’élection de François Mitterrand témoignait que l’alternance était possible dans cette Ve République taillée sur mesure à la personnalité bonapartiste de Charles de Gaulle et aux penchants oligarchiques de la droite.

 

La monarchie républicaine pouvait s’effacer un tant soit peu devant la volonté populaire, ce qui alors n’était pas évident comme l’indiquaient les saillies sur le prétendu péril de la « gauche socialo-communiste », et les craintes que les chars soviétiques ne défilent sur les Champs-Élysées le 14 juillet suivant

 

Le 49-3 permet le contournement brutal des élus du peuple : il congédie également le peuple en lui confisquant sa souveraineté. Cet acte, dérive autoritaire supplémentaire d’un régime politique ayant dépassé sa date de péremption, sonne en fin de compte le glas de cette Ve République.

 

Le 10 mai 1981 fut celui de l’espoir d’une alternance au sein de la Ve République ; le 10 mai 2016 traduit l’impossibilité d’une alternative dans le cadre des institutions de la Ve République. Le 10 mai 1848 se signala par l’abolition (définitive, après une première œuvre de Robespierre en 1794) de l’esclavage.

 

Le débat politique a atteint un niveau déplorable

 

Sans tomber dans l’outrance, ne peut-on pas dire que la loi El Khomri contribue à remettre le salarié à la merci du pouvoir discrétionnaire du patron par l’inversion des normes et la remise en cause de la dimension collective de la relation de travail ? À trop méconnaître l’histoire, on en oublie que tout est symbole ou le redevient.

 

À trop méconnaître l’histoire, on en oublie également le sens des mots et des réalités. Il en est allé ainsi des curieux éléments de langage répercutés par le gouvernement et les députés godillots restés fidèles. Pour ceux-ci, les députés qui auraient voté la motion de censure seraient « devenus des députés de droite » (sic !).

 

Surprenant retournement de situation qui montre le niveau déplorable du débat politique : censurer une mesure réellement de droite (on a vu par exemple à quel point la sur-taxation des contrats à durée déterminée a disparu au premier éclat de voix du Medef) serait un acte de droite, tandis que ceux qui proposent cette mesure de droite (re)deviendraient les gardiens de l’idéal de gauche…

 

Il y aurait également beaucoup à dire sur l’incapacité des députés socialistes opposés à la loi El Khomri à recueillir le nombre suffisant pour déposer une motion de censure de gauche. À deux signatures près, c’est vraiment ballot ! Les frondeurs socialistes ressemblent davantage à des couteux sans lames qu’à de fines lames du combat de l’idéal de transformation sociale.

 

Pour une véritable implication populaire

 

À trop méconnaître l’histoire, on montre à son corps défendant l’urgence d’en finir avec ce vestige anachronique d’un ancien monde politique pour lui substituer une VIe République s’appuyant sur une véritable implication populaire et un réel projet de transformation sociale et écologique.

 

Cette entreprise ne peut se réaliser dans le cadre de l’appel pour des primaires de gauche et des écologistes qui a définitivement fait pschitt. Pas davantage dans le cadre du aussi peu propulsif appel des 100 qui ressemble furieusement à une dérisoire tentative de repêchage à l’oral du baccalauréat option présidentielle (après avoir échoué aux premières épreuves que l’appel précédent avait constitué).

 

À l’opposé, la proposition de candidature de Jean-Luc Mélenchon qui a débouché sur le mouvement de « la France Insoumise », qui défilera à Paris le dimanche 5 juin, constitue cet espoir d’en finir avec ce vieux monde. Avec tous les vieux mondes. 

 

À trop méconnaître l’histoire, on peut parfois contribuer à accélérer l’histoire… 

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