Francis DASPE, président de la Commission nationale Education du Parti de Gauche, et Paul VANNIER, responsable national à l’éducation du Parti de Gauche. Tribune parue sur le site de Marianne le 20 janvier 2015.
Francis Daspe et Paul Vannier, tous deux responsables des questions d’éducation au Parti de gauche, craignent que « l’apprentissage des principes républicains », annoncé dans la foulée de la tragédie « Charlie Hebdo », soit « externalisé dans le temps périscolaire ». « Dès lors, regrettent-ils, se prépare la particularisation de l’enseignement de principes universels »…
Dès le début, alors que beaucoup s’évertuaient à en faire un sujet à gérer en « bon père de famille », le Parti de Gauche avait prévenu : la réforme des rythmes scolaires poursuivait des objectifs fondamentalement idéologiques. Une tribune en date du 7 mai 2014 parue dans ces mêmes colonnes en établissait une liste non exhaustive : atteinte au principe de gratuité, marchandisation de l’école, remise en cause de l’égalité et de la laïcité, précarisation des personnels du périscolaire, avenir des écoles rurales etc. (http://www.marianne.net/Rythmes-scolaires-n-oublions-pas-les-enjeux-ideologiques_a238624.html)
Parmi ces enjeux idéologiques, une place particulière doit être réservée à la question de la territorialisation de l’école. Le décret Peillon du 23 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire, mis en œuvre parallèlement à la réforme territoriale, conduit en effet à la dislocation de l’égalité de traitement des élèves, c’est-à-dire à la fin du cadre national du système éducatif.
De ce point de vue, la politique éducative du gouvernement poursuit celle engagée pendant le quinquennat d’airain de Nicolas Sarkozy. Après l’introduction de la gestion managériale avec l’UMP, la déclinaison de l’acte 3 de la décentralisation avec le PS conduit au renforcement de l’autonomie des établissements. (http://www.marianne.net/Education-l-autonomie-se-situe-au-coeur-meme-de-l-ideologie-neoliberale_a201653.html ) Inscrivant leurs actions dans une même direction tout en recourant à des méthodes différentes, PS et UMP, réunis dans les circonstances tragiques que traverse notre pays au sein d’une « union nationale », sont prêts à tout. A l’occasion de la « grande mobilisation de l’école » lancée par Najat Vallaud-Belkacem après la tragédie de Charlie Hebdo, l’AMF (association des maires de France), présidée par l’ancien ministre de Sarkozy François Baroin, appelle à inscrire dans les PEDT (projets éducatifs territoriaux) « l’acquisition des valeurs républicaines ».
Si dans ce climat de concorde, cette proposition était retenue, son impact aurait des conséquences redoutables. Après celui du codage informatique, c’est l’apprentissage des principes républicains qui serait externalisé dans le temps périscolaire. Dès lors, se prépare la particularisation de l’enseignement de principes universels. Philologues et exégètes de tous poils pourront, chacun dans leur commune, dire leurs conceptions de la laïcité, de la liberté, de l’égalité, de la fraternité. Au final, autant de discours sur la République que d’intervenants. Ce serait la fin de l’unité et de l’indivisibilité de notre régime et de notre peuple. Exclus des programmes nationaux, les principes républicains ne seraient en outre plus transmis à tous les élèves, puisque une partie d’entre eux ne peut accéder au temps périscolaire lorsqu’il est rendu payant.
Une nouvelle étape dans la territorialisation de l’école porterait donc doublement atteinte à la République : en aggravant les inégalités territoriales et en vidant de leurs substances les principes républicains. Elle conduirait aussi à compliquer la tâche des enseignants qui devront faire face au relativisme introduit par la multiplication des discours de la part d’intervenants pas forcément formés. Comment feront les professeurs pour convaincre les élèves parfois réticents de la nature républicaine de la laïcité quand d’autres adultes en auront délivré une version quelque peu divergente ? Cette rupture scandaleuse de l’égalité de traitement des élèves constitue bien in fine un obstacle à l’apprentissage des principes républicains.
En ces jours tragiques, les adversaires de l’Ecole de la République n’ont semble-t-il renoncé à aucune occasion. Décidément, pour ce gouvernement, tout est bon pour dynamiter l’Ecole de la République.