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Nov 29

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« Dé-romaniser » la République

Tribune parue sur le site de Mediapart le 28 novembre  2014

Francis Daspe, secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la gauche républicaine et sociale – Prométhée).

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L’antique République romaine faisait l’admiration de l’historien grec du II° siècle av. J.-C., Polybe, par son savant équilibre entre les trois principales formes de gouvernement. L’ampleur des prérogatives accordées au Sénat romain octroyait à cette République un caractère indiscutablement aristocratique. L’existence de deux consuls élus annuellement lui conférait une dimension nettement monarchique. Les assemblées de citoyens appelées comices apportaient un contrepoids démocratique. Polybe, présent à Rome en tant qu’otage, y voyait une des raisons des victoires militaires qui allaient conduire à l’édification de l’Empire romain, et à la fin de la République. On sait en effet à quel point les modalités d’organisation du territoire sont intimement corrélées à la forme politique du régime et aux conditions d’exercice du pouvoir. La réforme territoriale le montrerait aujourd’hui si besoin était.

 

Sans verser dans l’anachronisme, ne peut-on discerner dans la 5° République une configuration identique ? Pour dissiper d’emblée tout malentendu, évitons d’abord de tomber dans la surenchère contreproductive : le suffrage universel et le respect des libertés essentielles la classe à l’échelle mondiale dans la catégorie des démocraties. La démocratie étant un effort tendanciel permanent, impossible non plus de minimiser ces réalités têtues : la puissance du pouvoir exécutif, l’inversion du calendrier électoral en 2002 couplée au passage au quinquennat, l’émergence de l’hyper-présidence renforcent la tendance monarchique des institutions. De manière identique, l’esprit de caste conquérant des experts, l’activité des chiens de garde du système que sont la finance et les médias, la consanguinité des strates dirigeantes constituent bien les bases d’un régime oligarchique.

 

Il y a réellement urgence et nécessité à proposer aux Français une 6° République. L’idéal républicain se construit à partir d’un double héritage : ces deux piliers non négociables sont les avancées de la Révolution française et les conquêtes sociales du combat ouvrier. Mais le passé ne suffira pas : il conviendra de se projeter dans l’avenir. Deux défis actuels sont à relever. Le renforcement de la démocratie dans l’entreprise est prioritaire : le travailleur doit devenir pleinement citoyen dans l’entreprise s’il veut l’être dans la Cité. Le rapport à la mondialisation ne peut être éludé. L’emprise tentaculaire de celle-ci nous oblige à proposer des réponses à la mesure du défi en termes de souveraineté populaire et de relations géopolitiques. La 6° République sera également un nouvel internationalisme.

 

Car cette 6° République à qui il conviendra de façonner un contenu ne se résume pas à une simple question de mécanique institutionnelle. Elle porte un projet de société global, condition même de sa réussite. En son cœur se trouve la question du partage des richesses qui passe par une « dé-romanisation » de la République. C’est-à-dire d’en extirper les dimensions monarchiques et aristocratiques pour approfondir l’exigence démocratique.

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