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Oct 11

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La cité Clodion à Perpignan ou les limites de la République des clientélismes

Tribune de Francis Daspe parue sur le site de Mediapart.

Mediapart

Francis Daspe est responsable du Parti de Gauche à Perpignan. Il est aussi secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la Gauche Républicaine et Sociale – Prométhée) et co-auteur du livre intitulé « Hollande, la République pour cible », éditions Bruno Leprince, collection Politique à gauche, avril 2014.

 

A Perpignan, dans le quartier du Bas-Vernet situé au nord de la ville, et plus particulièrement à la cité Clodion, la tension est subitement montée. Des insultes ont fleuri à l’encontre des étudiantes d’une école d’infirmières ouverte dans le quartier lors de cette rentrée. Des bus ont été l’objet de caillassages. Tout ceci, selon les dires des habitants du quartier avec qui nous avons pu discuter, de la part de jeunes de 10 à 13 ans. La communauté d’agglomération de Perpignan a décidé de suspendre les arrêts de bus du quartier Clodion. Les atteintes, qu’elles soient verbales ou physiques, faites aux personnes et à la sécurité publique doivent être caractérisées à leur juste mesure en fonction de leur niveau de gravité : des incivilités, des délits. La loi égale pour tous ne se négocie pas. Il ne peut y avoir de territoires abandonnés par la République.

Les premières victimes de ces incivilités ou délits sont la très grande majorité des habitants du quartier. Nous n’oublions pas non plus les salariés conducteurs de bus et les élèves infirmières. Les uns comme les autres doivent travailler et étudier dans la tranquillité la plus absolue. Pour avoir pu échanger avec des jeunes du quartier et élèves dans le lycée de secteur, je sais à quel point l’attente est grande à l’égard de l’école de la République qui représente un levier irremplaçable de réussite dans la vie.

Nous ne pouvons pas croire que les décisions prises par les élus de l’agglomération portent la moindre trace d’une quelconque stigmatisation plus ou moins rituelle. En tout cas nous ne voulons pas. Cependant, nous n’en dirons pas autant des politiques menées avec constance, malheureusement. La décision de zapper les arrêts de bus n’est tout d’abord pas viable sur le moyen terme. Elle enferme à résidence des populations qui ne demandent qu’à s’émanciper en sortant de leur quotidien. L’école de la République y contribue bien évidemment à sa manière, mais elle ne peut pas y parvenir seule. Cette assignation territoriale est un remède de Diafoirus qui aggrave le mal. Une fuite en avant pour ne pas avoir à affronter la réalité du problème dans sa complexité.

Toute solution durable nécessite que l’on s’interroge sur le « comment a-t-on pu arriver à une telle situation ? ». La gestion clientéliste à la petite semaine est en grande partie responsable de cette dégradation. La réponse faite par certains jeunes, demandant « qu’on leur donne des scooters comme à Saint-Jacques », autre quartier défavorisé de Perpignan situé pour sa part au centre, est d’une cruauté absolue pour les responsables politiques de tous bords. Ceux-ci ont érigé depuis des dizaines d’années en système le clientélisme dans l’espoir d’acheter une bien improbable paix sociale. Illusion bien naïve, renoncement tellement coupable. Hélas, ce n’est que maintenant dans l’urgence d’une situation dégradée que l’on s’aperçoit que la présence humaine et le maintien des services publics dans ces quartiers est à la fois prévention et antidote. Mais impossible de concilier une telle politique avec l’austérité érigée en règle d’or…

La résolution des problèmes du quartier du Bas-Vernet passe par un retour en tous domaines des valeurs républicaines garantissant un intérêt général. Un intérêt général qui ne soit pas à géométrie variable. Autrement dit, une VI° République qui expulse toute gestion clientéliste pour des populations qui souhaitent une pleine intégration à la République. Ceci sans angélisme, sans stigmatisation, sans victimisation. Au Bas-Vernet et à Clodion, on veut simplement être pleinement citoyen en toute dignité…

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