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Sep 11

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Jaurès ou la nécessité de la VIe République

La Ve République est parvenue à sa date de péremption

 

6° RépubliqueTribune parue dans L’Humanité le 11 septembre 2014

 

Francis Daspe, Secrétaire général de l’Association pour la gauche républicaine et sociale-Prométhée

Il y a 100 ans, Jean Jaurès était assassiné. Cet événement nous invite à nous interroger sur le rapport à la République. Il y eut un avant et un après. En 1914, nombreux étaient les Français à s’opposer encore à l’idée même de République : l’affaire Dreyfus moins de vingt ans auparavant montrait qu’elle n’était que la « gueuse » à abattre. En 1919, un consensus semble alors se dessiner dans l’acceptation du régime républicain. Jean Jaurès fut, à son corps défendant, un des ciments de cette évolution. Sa mort était en quelque sorte la condition préalable au fait que l’armée accepte la République. Celle-ci pouvait amener la France à la victoire militaire, ce dont l’armée et les forces antirépublicaines doutaient fortement. Ce ralliement supplémentaire s’effectua de facto par une sorte de danse sur le corps de Jaurès.

Fallait-il que le sacrifice expiatoire de Jaurès se réalisât pour que le triomphe de l’idée République puisse prendre forme ? On peut en douter en examinant les ralliements des forces antirépublicaines animées par l’opportunisme (…) Pour preuves : le 6 février 1934, la défaite militaire en juin 1940… Le ralliement décisif à la République fut en 1958 la synthèse gaulliste : la forme retenue en sera la monarchie républicaine de la Ve République.

Les enseignements de Jean Jaurès retrouvent toute leur actualité. La République se caractérise en effet par une constante contradiction : en même temps qu’elle s’impose avec la force d’une évidence, elle est perpétuellement et insidieusement vidée de sa substance par ses adversaires qui ne désarment pas. C’est en cela que la séquence ouverte par la synthèse gaulliste est clairement terminée. La Ve République est parvenue à sa date de péremption. Elle se décompose sous les coups des différentes oligarchies qui en sapent par esprit de caste et méconnaissance de l’intérêt général les bases. La droite de plus en plus décomplexée reprend les mots des antirépublicains des siècles écoulés.

L’œuvre jaurésienne, contre toutes les formes d’aliénations, fondée sur l’émancipation « prométhéenne », offre l’aspect d’une synthèse, propulsive celle-ci, entre l’exigence républicaine et l’ambition de transformation sociale. La VIe République devra pareillement combiner les valeurs universalistes de la Révolution française et l’humanisme des combats ouvriers des siècles suivants. Les deux sont puissamment remis en cause, et pas seulement par la droite « buissonienne » la plus réactionnaire, mais aussi par d’autres au nom d’une insaisissable adaptation à la modernité jamais interrogée au crible du progrès humain.

Ne pas s’engager résolument dans la voie d’une VIe République équivaudrait à perpétuer un nouvel assassinat de Jaurès.

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